Historique

Texte et photos: Jean-Louis Gavin, 27.09.2007

CHEMIN DE FER YVERDON – STE-CROIX

A la fin du 19ème siècle, Sainte-Croix comptait 6’000 habitants, c’est-à-dire à peu près autant qu’Yverdon ! L’industrie des boîtes à musique est florissante.

Quatre diligences font quotidiennement le trajet vers Yverdon en une heure cinquante.

Dès 1857, l’idée d’un chemin de fer est dans l’air ; les projets proposent par exemple Yverdon – Sainte-Croix – Pontarlier au lieu de Neuchâtel– Verrières – Pontarlier, ou encore Nyon – Baulmes – Sainte-Croix. On a prévu tantôt une voie normale, tantôt une voie étroite, tantôt même la crémaillère.

Chappuis & Cie et Victor de Saussure obtiennent en 1888 la concession d’un chemin de fer régional à voie étroite d’Yverdon à Sainte-Croix. En 1890, alors que l’Etat de Vaud vote un crédit de Fr.20’000.—par kilomètre pour un projet amplement modifié, William Barbey, (1842 – 1914), député à Valeyres-sous-Rances, s’engage à construire le chemin de fer à ses frais et rachète la concession pour 13’419.95 francs. Il pose une condition : le chemin de fer ne circulera pas le dimanche, car« le repos dominical ne doit pas être un privilège, mais un droit pour tous sans exception ». Cette condition fut acceptée par l’Assemblée fédérale pour 25 ans. La presque totalité des 4600 actions de 500 francs chacune fut acquise par William Barbey lui-même.

Le premier coup de pioche fut donné le 3 août 1892 par les 5 doyens de Sainte-Croix.

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1er coup de pioche

Les travaux furent menés au pas de charge : jusqu’à 700 ouvriers au travail !

L’inauguration eut lieu le 17 novembre 1893. La brochure officielle« Souvenir des Fêtes d’inauguration, novembre 1893 »contient notamment les cantates écrites par Henri Giroud, interprétées par 1000 chanteurs.

Le billet Yverdon – Sainte-Croix et retour coûte quatre francs

Pendant les 50 premières années, la durée des trajets fut quasiment réduite de moitié : on passe, pour les trains montants, de 1 h. 42 à 50 minutes.

Dans les années 30, la forte croissance économique fait que des centaines d’ouvriers montent chaque jour travailler à Sainte-Croix, et ceci jusque vers 1950.

Le vieillissement du matériel roulant, le prix du charbon, la recherche de confort, posent des problèmes que résoudra l’électrification, terminée en 1945. Citons parmi les problèmes techniques résolus

– la rareté du cuivre, d’où un fil de contact à cœur d’acier

– l’usure du fil, qui conduit à l’adoption d’une ligne caténaire inclinée y compris sur les alignements

– la hauteur des tunnels, qui oblige à un abaissement de la plate-forme

– les risques d’humidité dans les tunnels, supprimés par la pose d’une étanchéité

– la cherté du courant acheté aux CFF, diminuée par le frein à récupération.

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Henri Gavin nouveau directeur

Les locomotives à vapeur sont revendues à l’étranger ; l’une d’elles va même à Djibouti ! Finis les noms historiques des machines à vapeur : « Davel » « Reine Berthe »,« Olivier », « Aliénor »

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Rapilles

Le nombre de trains étant augmentés et la durée du parcours réduite de 20 minutes, le nombre de voyageurs augmente d’un coup de 43%.

En 1950, on construit un tracteur conçu et réalisé par la Compagnie elle-même, appelé « crocodile », et destiné à tirer les convois marchandises. Il circule actuellement sous un nouveau graphisme en rapport avec son surnom.

Dès 1958, la fermeture de l’Usine des Chaux et Ciments de Baulmes, la concurrence des transports routiers et le transfert de nombreuses activités industrielles vers Yverdon ont des répercussions très négatives sur les résultats de l’entreprise.

L’implication de la Compagnie du Chemin de fer d’Yverdon à Sainte-Croix dans diverses activités de transport (télésiège, gyrobus, taxis, transports publics yverdonnois, etc) a conduit à la création de Travys, qui regroupe dans le domaine du transport de nombreuses composantes.

Anecdotes

  • « Le Sainte-Croix » disposait, pour la visite des voies, d’un étrange véhicule nommé « draisine » : 4 roues, 2 planches, une manivelle de freins et un système de propulsion à main qui ne la rendait utilisable qu’à la descente ! Il est arrivé que mon père prenne avec lui ses fils aînés lors d’inspections : la descente de Sainte-Croix à Baulmes au raz des rails valait bien un bon Western ! JLG
  • Je me souviens de certaine nuit de tempête au cours de laquelle de nombreux arbres étaient tombés sur la voie en dessous de Vuiteboeuf. Le trafic devait être rétabli pour le lendemain : débarras des troncs et des branches jonchant la voie, contrôle de la dite, rétablissement de la ligne de contact. Cela représentait bien du monde sur place. Mon père, alerté, embarqua avec lui un (ou deux) de ses fils qui, bien que tenu à distance, fut très impressionné par ce paysage bouleversé éclairé par les projecteurs et par les travaux en cours. JLG